Denis Bellocq : les huîtres et le flair

Denis Bellocq est sans doute l’un des ostréiculteurs les plus connus du Cap Ferret. La Cabane du Mimbeau, qu'il pilote depuis 2010, est progressivement devenue une référence pour les amoureux du bassin d’Arcachon. Son atout ? La splendeur du cadre et la qualité des produits proposés à la dégustation. Mais pas que. Portrait d’un visionnaire.

Un mot pour définir Denis Bellocq ? Tranquillité. Sérénité, aussi. Il y a de quoi. Cet amoureux du bassin d'Arcachon qui, depuis 2010, est propriétaire de la Cabane du Mimbeau, l’un des lieux les plus fréquentés du Cap Ferret pour sa dégustation d’huîtres, profite chaque jour d’un cadre paradisiaque. Paisible et chaleureux. Comme hors du temps. Hors de l’agitation citadine et propice à la déconnexion. Chacun peut venir, pieds dans l’eau, savourer huîtres, vin blanc, pâté et quelques crustacés. Rien de plus. Denis Bellocq n’est pas restaurateur. Il est ostréiculteur. Un ostréiculteur malin et ambitieux qui a su, il y a plus de dix ans, capter les envies de ceux qui, pour un jour ou pour une semaine, viennent profiter de la beauté sauvage du Cap Ferret. Si la terrasse en bois témoigne de l’environnement naturel du lieu, les chaises colorées, de leur côté, révèlent son esprit « bohème ». Pas de chichis au Mimbeau. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Si la cabane dégage une grande simplicité, son activité repose sur une organisation bien rodée qui lui permet d’accueillir chaque été des milliers de visiteurs. Des inconnus, bien sûr. Mais aussi des célébrités désireuses de profiter d’un moment de tranquillité. Loin des strass et des paillettes. « Ici, il n’y a ni divas ni groupies », résume Sophie Dreux, collaboratrice et amie de longue date de l’ostréiculteur, soulignant au passage la force de travail du maître des lieux. Son exigence et sa générosité, aussi. Un caractère résolument entier qui permet à celui qui est aujourd’hui un chef d’entreprise aguerri – à la tête d’une équipe oscillant entre huit et vingt collaborateurs – de tirer son épingle du jeu dans l’univers ostréicole.

« Quand j’étais enfant, mes parents avaient un petit voilier qu’ils amarraient à cet endroit qui m'a toujours fait rêver et que j'ai toujours trouvé sublime »

Denis Bellocq

Serrer les dents

Il faut dire que Denis Bellocq est tombé dans les huîtres quand il était petit. Il n’a que 11 ans lorsqu’il fait son « premier Noël » aux côtés de son grand-père, déjà ostréiculteur. Plus tard, parce qu’il est plus à l’aise les mains dans les parcs à huîtres que le nez dans les livres, le jeune homme décidera de rejoindre son oncle et sa mère qui dirigent alors la production familiale à La Teste de Buch. « J’ai 19 ans lorsque les huîtres deviennent mon métier à plein temps », explique celui qui, pendant dix ans, apprend les rouages de cet univers singulier. Ses difficultés aussi : « C’est une activité capitalistique, explique-t-il. Il faut trois ans pour produire une huître. C’est au bout de trois ans qu’on récolte le fruit de notre travail. Entretemps, il faut faire vivre l’entreprise, assumer les charges et espérer qu’un aléa ne viendra pas affecter la production. On vit l’angoisse au ventre. Il faut être capable de serrer les dents. » Le business model de l’entreprise ? La vente en « BtoB » aux grossistes, aux restaurateurs et aux autres producteurs… L'activité fonctionne. Mais Denis Bellocq a d'autres envies. « Je suis toujours un peu à contretemps », reconnaît celui qui veut continuer l’aventure à sa façon. Avec sa vision, sa méthode. Loin du carcan classique et empirique du parc à huîtres d’antan. 

Ostréiculteur routier

« J'étais convaincu qu'il fallait diversifier les sites de production. Il s’agissait, en somme, d’éviter de mettre tous les œufs dans le même panier », se souvient celui qui achète sa propre cabane, toujours à la Teste, ainsi qu’une exploitation en Normandie. Pour mener à bien les deux projets, il s’entoure d’une petite équipe. À nouveau, l'activité fonctionne. Mais Denis Bellocq l’audacieux sait qu'il peut aller encore plus loin. « C’est en 1996, je tombe sur un échantillon d'huîtres produites en Irlande. J’ai été frappé par la qualité de la coquille. Les huîtres grandissent là-bas plus vite que chez nous », explique-t-il. Il n'en faut pas plus pour convaincre cet instinctif d'ouvrir un nouveau site de production au-delà du territoire tricolore.

L’activité de l’ostréiculteur entre alors dans une dimension nouvelle. Pendant trois ans, Denis Bellocq multiplie les déplacements en camion pour transporter les huîtres entre la Gironde, la Normandie et l’Irlande. Il devient alors « ostréiculteur routier », passant parfois jusqu’à trente-six heures de trajet, de route et de bateau. Le résultat est là, puisque, entre 2006 et 2009, il produit plus de 300 tonnes d’huîtres par an. Des huîtres qu’il vend à des professionnels aux quatre coins de l’Hexagone – y compris à la maison Gillardeau réputée pour son excellence – mais aussi en Asie, notamment à Hong Kong. « C’était exténuant, reconnaît-il. Je dormais très peu. Les huîtres sont des produits vivants. On ne peut donc pas se permettre de traîner sur la route. C’était impossible de confier cette mission à un transporteur. » « Je crois qu’il s'est vraiment dégoûté de l’activité à cette période-là », témoigne Xavier Brun, son ancien collaborateur, qui est également un ami proche. En 2009, épuisé, Denis Bellocq arrête la production en Irlande.

« Denis a su conserver l’atmosphère authentique des cabanes ostréicoles en mettant de côté le bruit des machines agricoles et l’odeur de la vase… Il a rendu la dégustation plus glamour tout en gardant son côté rustique »

Xavier Brun, ancien collaborateur
et ami proche 

Rêve d’enfant

« À ce moment-là, je suis fatigué. J’ai besoin de respirer l’Océan », explique-t-il, confiant au passage et sans prétention chercher un rythme plus paisible. L’homme veut retrouver ses racines et le cadre naturel du Cap Ferret. Alors, lorsqu’il apprend qu’une petite cabane de dégustation, nommée Cap Ostria et située entre le village ostréicole et la pointe de la presqu’île est à vendre, il n’hésite pas longtemps. « Quand j’étais enfant, mes parents avaient un petit voilier qu’ils amarraient à cet endroit qui m'a toujours fait rêver et que j'ai toujours trouvé sublime », se souvient, sourire aux lèvres, celui qui, en rachetant cette cabane, réalise son rêve d’enfant. Le chef d'entreprise garde toutefois les pieds sur terre. Conscient qu'il ne peut pas être partout en même temps, Denis Bellocq organise une équipe compétente capable de continuer à mener à bien l’activité sur les sites de production. À la Teste et en Normandie. Ce qui change ? Le mode de commercialisation des huîtres. Celles-ci seront dorénavant vendues – dans leur majorité – directement aux clients de la cabane, renommée « Cabane du Mimbeau » par le maître des lieux.

Victime de son succès

Mais Denis Bellocq est clair : il n’a pas l’intention, avec ce nouveau projet, d’afficher une ambition démesurée. « J’avais déjà fait mes preuves, ce que je voulais, c’était une vie plus douce », assume cet amoureux de la nature qui, chaque jour, s’émerveille devant la beauté du lieu. Ni de faire les choses à moitié. Et c’est peu de le dire. Ce self made man, pleinement investi, met littéralement la main à la pâte pour agrandir la terrasse et faire de la Cabane du Mimbeau un lieu accueillant et chaleureux. « Je cloute, je ponce, je fais tout moi-même », explique-t-il. « Il a passé beaucoup de temps pour faire de l’endroit ce qu’il est aujourd’hui. Il a tout fabriqué de ses mains. C’est un vrai vaillant. Un sacré bosseur », confirme Sophie Dreux. Les clients sont immédiatement au rendez-vous. Un succès aussi heureux qu’inattendu pour l’ostréiculteur. « Quelques mois après l’ouverture, je me mets en quête de chaises en urgence, raconte-t-il avec le sourire. Je prends ce qui est disponible sans réfléchir. C’est comme ça qu'est née l’idée d'un mobilier dépareillé. » Un joli hasard. Le mobilier multicolore trouve parfaitement sa place et s'inscrit même, dix ans plus tard, comme un marqueur fort du lieu. Quant aux autres produits qu’il propose à la dégustation – crevettes, bulots, bigorneaux, terrines artisanales, vins blancs, vins rosés – , Denis Bellocq mise sur la qualité et contrôle méticuleusement l’origine et la provenance de tout ce qui est vendu sur place. « Il ne veut que du top », corrobore Xavier Brun, sans l'ombre d’une hésitation. 

Glamour mais rustique

Une exigence et une rigueur qui séduisent les visiteurs, chaque année de plus en plus nombreux. Si bien que le lieu devient progressivement une référence au Cap Ferret. Et Denis Bellocq ne s'arrête pas là. Parce qu'il tient à préserver l’environnement naturel et sauvage des alentours, il achète la petite bicoque – qu’il nomme « La Brise » – située à quelques mètres de la Cabane du Mimbeau. Avec elle, il agrandit sa zone de dégustation. « Ce n’est rien de plus qu’une excroissance, plus intimiste, du projet initial », explique le propriétaire des lieux qui aime particulièrement le cadre verdoyant de ce nouvel espace et la vue dégagée qu’il offre sur le bassin. Là encore, le succès est au rendez-vous. « Il a réellement du flair, c’est un visionnaire », note son ami l’entrepreneur Nicolas Dassas. Xavier Brun, de son côté, va plus loin : « Denis a su conserver l’atmosphère authentique des cabanes ostréicoles tout en mettant de côté le bruit des machines agricoles et l’odeur de la vase… Il a rendu la dégustation plus glamour tout en gardant son côté rustique. » Et ça fait la différence. La preuve : pendant la période estivale, ses établissements comptent plus de 400 couverts par jour.

« C’est un leader qui a beaucoup d’empathie pour les autres. Il est très humain et à l’écoute. Il est entier, mais dégage une finesse qu’on ne retrouve pas chez tout le monde »

Nicolas Dassas, entrepreneur 

Passer la main

« La clientèle de la cabane est variée. Tous les styles se mélangent parfaitement et sans problème », souligne Sophie Dreux. Et si des personnalités comme le chanteur Matthieu Chedid ou des chefs d’entreprise réputés dans la région sont des habituées du lieu, la Cabane du Mimbeau conserve son authenticité. Ici, on vient profiter d'un plaisir simple. Un plaisir simple auquel Denis Bellocq aspire plus que tout. Pas question, à l’avenir, de multiplier les projets. « Pour quoi faire ?, interroge-t-il. Je n'ai plus envie de vivre le stress d'un nouvel investissement. Je veux être peinard. » Son but, aujourd’hui : maintenir l’activité qui, en fonction de la météo, peut compter 30 ou 300 couverts par jour. Gérer le quotidien de l’entreprise. Piloter les équipes. Un rôle que l’entrepreneur mène avec charisme et sans vanité. « C’est un leader qui a beaucoup d’empathie pour les autres, explique Nicolas Dassas. Il est très humain et à l’écoute. Il est entier, mais dégage une finesse qu’on ne retrouve pas chez tout le monde. » « Il est généreux, délicat et pointilleux, confirme Sophie Dreux. Il a su mettre en place une organisation qui fonctionne et qui tourne bien. » Preuve de sa bienveillance et de son honnêteté : chaque année, les saisonniers se bousculent pour venir travailler à la Cabane du Mimbeau. « Il se positionne au même niveau que ses employés. Il n'est pas dans un rapport hiérarchique strict. C'est agréable de travailler avec lui », témoigne enfin Xavier Brun. Pour l’avenir ? L’homme aspire à transmettre. Son entreprise, bien sûr, mais aussi sa philosophie, sa passion pour la région et ses trésors. « Deux de mes trois enfants veulent travailler avec moi. C’est une vraie satisfaction personnelle de leur avoir transmis l'amour du métier », assure celui qui va progressivement passer la main à son fils. Il n’en faut pas plus pour faire de Denis Bellocq un homme heureux. Inspirant.

PORTRAIT DE GIRONDIN 

  • Son restaurant préféré ? Madame Pang rue de la Devise, un restaurant asiatique chaleureux « avec des cocktails très goûteux ».
  •  Son lieu préféré dans la région ? La terrasse du Mimbeau, bien sûr, et l'entrée de la Leyre, « surtout quand on arrive en bateau »
  • Son vin préféré ? Le côte-rôtie.
  • Son plat préféré ? La pluma ibérique, ou encore des plats simples comme un filet de Saint-Pierre cuit au beurre. C’est la qualité du produit qui compte. 
  • Sa façon de manger des huîtres ? À toutes les sauces… « même chaudes ».

Réalisation & référencement Simplébo

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