Mary Henchley : L’art du juste dosage

Cuisinière, chef d’entreprise, hôtelière… Mary Henchley multiplie les casquettes. Avec son associé — qui est également son mari —, la Bordelaise est à l'initiative d’un restaurant bistronomique et, depuis l'année 2021 d'un hôtel de luxe dans l'ouest de la ville. Avec toujours la même ambition : offrir à ses clients une parenthèse hors du temps. Portrait d’une professionnelle de l’art de vivre.

Mary Henchley est à l’image de l’hôtel qu’elle dirige : sobre, élégant, chaleureux. Pas de faute de goût au sein de la maison Pavlov, cet établissement 5 étoiles de l’Ouest bordelais qui a ouvert ses portes à l’été 2021. Entièrement rénovée par celle qui est à la fois hôtelière, cuisinière et cheffe d’entreprise, cette majestueuse chartreuse ne laisse pas indifférents ses visiteurs. Le cadre est luxueux sans être pompeux. Mary Henchley et son associé – qui est également son mari – savent faire des choses sérieuses sans se prendre au sérieux. En témoigne la bouée en forme de licorne qui trône au centre de la piscine. Un « grain de folie » que la maîtresse des lieux tient à conserver : « Nous faisons en sorte que nos clients vivent une expérience, comme une parenthèse hors du temps... Ce qui ne nous empêche pas de garder notre sens de l’humour », reconnaît avec simplicité cette cheffe formée aux côtés des plus grands noms de la cuisine française comme Michel Rostang ou Alain Ducasse. Si bien que la Bordelaise acquiert, dès le début de sa carrière, une certaine notion de l’excellence et de la précision. Notion qu’elle ne perdra jamais de vue. Que ce soit pour la maison Pavlov, son dernier projet en date, ou pour le Chien de Pavlov, ce restaurant bistronomique qu’elle a ouvert au cœur de Bordeaux avec son mari en 2014. Deux établissements différents, mais dotés d’une même identité. D’une âme commune. Audacieuse et combative, cette mère de famille est également une femme engagée. Sur le terrain écologique, notamment. La preuve : l'hôtel est écoresponsable et les produits qu’elle travaille dans ses restaurants sont issus d’une agriculture locale et raisonnée. Résolument attachée à sa liberté de ton et de création, cette serial-entrepreneuse ne se soumet ni aux exigences du guide Michelin ni aux influences de la mode. Mary Henchley a son propre style. Un style qui répond à une envie profonde : offrir à ceux qui passent par l’un de ses établissements un moment unique. Dans le respect de l’environnement.

« Nous faisons en sorte que nos clients vivent une expérience, comme une parenthèse hors du temps... Ce qui ne nous empêche pas de garder notre sens de l’humour»

Mary Henchley

Créative, instinctive

Si Mary Henchley est aujourd’hui une cheffe accomplie, rien ne la prédestinait à piloter un restaurant réputé pour la finesse de ses plats et un hôtel de luxe reconnu pour son élégance. Enfant, cette fille d’architecte aspire à devenir détective ou journaliste. La cuisine prendra progressivement une place importante dans sa vie. « J’ai toujours vu ma mère et ma grand-mère aux fourneaux », se souvient l’intéressée qui souligne au passage les racines britanniques de son père. Affichant sa multiculturalité, elle expérimente très tôt la diversité et le mélange des saveurs. Parce qu’elle est bonne élève, une fois son baccalauréat en poche, elle est vivement encouragée par ses parents à suivre des études supérieures. « À l’époque, ils voyaient la restauration comme une voie de garage. Parce que j’aimais l’histoire et la littérature, je me suis inscrite en faculté d’anglais », explique celle qui ira jusqu’au master. Seulement voilà : la cuisine est toujours dans un coin de sa tête. Mary Henchley, la créative, ne se projette ni comme professeur ni comme traductrice… « Ça ne me faisait pas vibrer », déclare cette énergique. Pas question non plus de suivre un parcours de salariée. L’indépendance fait résolument partie de son ADN. Mary Henchley le sait : elle sera cuisinière.

Aux côtés des plus grands chefs

Déterminée, elle se penche sur les meilleures formations culinaires du pays et intègre Ferrandi, l’école française de gastronomie et de management hôtelier basée au cœur de la capitale. Un établissement réputé qui mise sur des profils atypiques et forme les « chefs de demain ». Parce qu’elle veut aller vite, elle apprend le métier en classe, puis sur le terrain, aux côtés des plus grands, comme le chef doublement étoilé Michel Rostang, auprès de qui elle vit sa première expérience en cuisine. Elle est ensuite recrutée au sein d’un restaurant semi-gastronomique dans le 6e arrondissement de Paris avant d’enchaîner les établissements prestigieux : Le Plaza Athénée avec Alain Ducasse où elle est responsable de la « partie froide », puis Chez Jean aux côtés de l’ancien sous-chef de Joël Robuchon… « J’ai été formée à la dure, dans un univers souvent très masculin, confie-t-elle. Je me suis imposé une rigueur et une forte charge de travail. J’ai adoré cette excellence. »

Mary Henchley et son mari, qui également son associé, Maxime Rosselin

Désireuse de progresser, la cuisinière invente des recettes, tente des idées, affine son palais, visite les restaurants étoilés… se forgeant ainsi une identité culinaire. Son parcours et son envie de bien faire sont repérés par l’Atelier des chefs, une entreprise qui propose des cours de cuisine adaptés au grand public, qui lui propose un poste de manager. Voyant derrière cette occasion la possibilité de développer ses compétences en gestion de projet, Mary Henchley accepte sans hésiter. Ses missions : créer des recettes, piloter les équipes, organiser les recrutements. Une expérience riche sur le plan technique, mais aussi sur le plan humain. Et pour cause, c’est à l’Atelier des chefs qu’elle rencontre celui qui deviendra son mari et son associé : Maxime Rosselin. « À ce moment-là, il est manager de l’Atelier des chefs de Rennes, explique-t-elle. Il n’est pas cuisinier, mais chef de projet. C’est un businessman. » Parce qu’ils sont déterminés, passionnés et conscients de leurs complémentarités, Mary Henchley et Maxime Rosselin ont une ambition : ouvrir leur propre restaurant.

« Mary et Maxime sont capables de soulever des montagnes en partant de rien. Ils forment une équipe de choc. Ils sont très talentueux tout en restant humbles et modestes »

Cécile Castex, Oenologue 

Le chien de Pavlov

Pas question de rester à Paris. Le couple hésite entre Bordeaux et Rennes. Leur dévolu se pose sur la charmante et conviviale place Saint-Pierre située au cœur de la belle endormie. Le challenge est de taille. Les banques, sceptiques, tardent à leur prêter les fonds nécessaires. Pas de quoi décourager ces deux ambitieux qui ont une idée précise du lieu qu’ils veulent ouvrir :  un restaurant doté « d’une carte courte, d’une cuisine créative et française avec de nombreuses influences, des associations de saveurs, d’épices et d’agrumes, des accords terre-mer... » Le nom de ce premier établissement ? « Le Chien de Pavlov », en référence au médecin physiologiste russe Ivan Pavlov. « On aimait cette référence au fameux réflexe conditionné, raconte la cheffe. Et ça a marché, puisque c’est aujourd’hui un nom qui sonne et résonne auprès des clients. »

Des clients qui sont chaque jour au rendez-vous et qui apprécient la qualité de la cuisine, l’origine des produits, les goûts affirmés, l’équipe bienveillante et, bien sûr, le talent et la délicatesse de la cheffe. Si bien que certains, comme Hélène des Ligneries, la propriétaire de la librairie indépendante La Machine à lire, ont fait de l’établissement leur repaire quotidien. « C’est pour moi une sorte de sécurité psychologique. La cuisine est à l’image de Mary Henchley :  loyale et franche. »  Une cuisine libre et évolutive, aussi. Mary Henchley ne court pas après les étoiles. Et parce qu’elle n’est pas du genre à camper sur ses acquis ni à stagner dans sa zone de confort, elle n’affiche pas de plat de signature : « J’aime trop les produits pour me limiter à un plat phare. Les tendances et les techniques évoluent. J’aime expérimenter, changer, créer. »

Nouveaux challenges

Lucide et pragmatique, Mary Henchley n’a pas peur de déléguer. Mieux encore : elle sait que pour mener à bien les projets qu’elle a en tête, elle doit s’entourer d’une équipe solide, fidèle et compétente. Ce qui lui permet de consacrer du temps à l’ouverture d’un deuxième établissement. En 2015, le couple acquiert ainsi un nouveau restaurant à Bordeaux : le Potato Head (actuellement Frida). « C’est un lieu festif : les clients sont là pour se détendre, pour prendre du bon temps. On leur propose principalement des plats à partager de tailles diverses », explique la cheffe. Durant deux ans, Mary Henchley et Maxime Rosselin naviguent entre le Chien de Pavlov et le Potato Head – qu'ils vendront en 2017 – avant de se lancer dans un vaste challenge : la création d’un hôtel de luxe.

« Mary se départit rarement de son sourire. C’est, dans tous les sens du terme, une belle personne. Elle est à la fois exigeante, droite, généreuse et à l’écoute tout en ayant un caractère affirmé »

Hélène des Lignerie,
propriétaire de la librairie La machine à lire

« La maison Pavlov, c’est la grande sœur du restaurant le Chien de Pavlov. L’esprit est le même. C’est un établissement dans lequel on se sent bien et qui correspond, selon moi, au summum de la réussite »

Hélène des Lignerie, propriétaire de la librairie
La machine à lire

Mettre la main à la pâte

« J’aime les lieux uniques dans lesquels on passe une nuit ou deux. Où l’on vit des moments uniques, comme une bulle hors du temps », explique Mary Henchley qui, dès 2017, déniche une imposante chartreuse à l’ouest de la ville, au Bouscat. Malgré le succès du Chien de Pavlov, et l'expérience professionnelle du couple, les banques refusent de lui prêter des fonds. Un épisode qui ne freine pas sa motivation. « Mary n’exprime pas les contrariétés, elle les résout », témoigne Hélène des Ligneries. Pendant trois ans, les deux entrepreneurs mettent la main à la pâte, mènent seuls les travaux et transforment totalement le lieu – qui était jusqu’alors une maison de famille – pour en faire un établissement d’exception. « Je deviens tapissière, peintre et couturière, explique Mary Henchley, fière aujourd’hui du travail accompli. Maxime, lui, s'improvise charpentier et menuisier. Il a également réalisé la quasi-totalité du spa. » Et ça marche. Une fois le chantier terminé, la maison Pavlov – et ses huit chambres – décroche ses cinq étoiles. Sans difficulté. « La maison Pavlov, c’est la grande sœur du Chien de Pavlov, témoigne Hélène des Ligneris. L’esprit est le même. C’est un établissement dans lequel on se sent bien et qui correspond, pour moi, le summum de la réussite. »

Vivre un moment spécial

« Mary et Maxime sont capables de soulever des montagnes en partant de rien, affirme Cécile Castex, qui fournit la maison Pavlov et le Chien de Pavlov en vin. Ils forment une équipe de choc. Ils sont très talentueux tout en restant humbles et modestes. » Ce qui ne les empêche pas d’afficher une ténacité sans limites. Leurs projets ont un cap, un dénominateur commun : un service élégant, raffiné, haut de gamme qui, loin d’être réservé à une certaine caste sociale, reste accessible à tout un chacun. « J’aime entretenir un rapport de proximité avec les clients », reconnaît Mary Henchley. Le tout, en gardant une juste distance. « Elle sait que, lorsque l’on vient dans son établissement, c’est pour se reposer, pour passer un bon moment », assure Hélène des Ligneris. Le secret de cet hôtel 5 étoiles ? Son authenticité. Ici, tout est fait maison : la cuisine, la décoration… et même la vaisselle du petit déjeuner, qui est composée de pièces uniques réalisées par une artiste-peintre que Mary Henchley connaît bien : sa mère. « Je suis attentive à ces petits détails. C’est ce qui permet aux clients de vivre un moment véritablement spécial. » Et ce n’est pas tout. Les légumes sont directement issus du potager de la maison. Le chocolat, offert à l’arrivée de chaque client, est conçu à partir des ruches de l’établissement…

PORTRAIT BORDELAIS  

  • Le lieu qu’elle aime le plus à Bordeaux ? Le quartier Saint-Pierre, pour son atmosphère de village. 
  • Son restaurant favori (en dehors du sien) ? La buvette de Darwin, pas pour la cuisine, mais pour la démarche globale, l’atmosphère qui y règne et la qualité des produits qui y sont travaillés. 
  • Son vin rouge préféré ? Le saumur, « j’aime le fruit », précise l’intéressée.

Équilibre et dosage

Un esprit qui séduit les clients, et qui ne laisse pas indifférents la vingtaine de salariés qui font chaque jour vivre la maison Pavlov et le Chien de Pavlov. « Aujourd’hui, je consacre une grande partie de ma journée au management, à la gestion des équipes, note l'hôtelière qui a délégué sa place en cuisine. Le bien-être de mes salariés est primordial. Et ils me le rendent, car ils sont très impliqués. C’est un plaisir de travailler avec eux. » Si le rythme est soutenu, et les journées parfois longues, Mary Henchley n’est pas du genre à se plaindre de la charge du quotidien. Ce qui n’en finit pas de surprendre ceux qui l’entourent. « Je me demande comment elle arrive à tout faire tenir dans une journée, sans jamais montrer des signes de stress, souligne Cécile Castex. Elle est d’ailleurs toujours positive et de bonne humeur. » « Elle se départit rarement de son sourire, confirme Hélène Des Ligneris. C’est, dans tous les sens du terme, une belle personne. Elle est à la fois exigeante, droite, généreuse et à l’écoute tout en ayant un caractère affirmé. » Et pour la suite ? Mary Henchley a l’intention de prendre à bras le corps les sujets de communication et de marketing, pour offrir à la maison Pavlov la visibilité qu’elle mérite. Ce qui ne devrait pas poser de problème. « Dès que Mary Henchley et son mari touchent à quelque chose, c’est une réussite, conclut Cécile Castex. Impossible de faire tout cela sans talent. » Sans un certain art, aussi. L’art de l’équilibre et du juste dosage entre projets professionnels et vie de famille. Entre moments conviviaux, séances de sport et temps pour soi. L’art de vivre, au sens propre.

« Je me demande comment elle arrive à tout faire tenir dans une journée, sans jamais montrer des signes de stress. Elle est toujours positive et de bonne humeur »

Cécile Castex, Oenologue

Petit déjeuner "home made", de la Maison Pavlov

Réalisation & référencement Simplébo

Connexion