Stéphane Carrade : Monsieur terroir

Stéphane Carrade est une référence culinaire sur le bassin d’Arcachon. Chef du Skiff Club, le restaurant du prestigieux hôtel Haïtza, cet enfant du Sud-Ouest est un amoureux du terroir local. Un homme engagé, au tempérament fort et à l’accent chantant, qui jongle parfaitement entre tradition et innovation. Entre simplicité et raffinement. Portrait d’un ambassadeur du bon. 

Impossible de se balader sur le bassin d’Arcachon sans passer par l’Haïtza et son restaurant le Skiff club. L’imposante bâtisse* d’architecture néo-basque située en plein cœur de la lagune landaise conjugue à merveille raffinement et simplicité. À l’intérieur, l’ambiance est distinguée sans être guindée. Et si la décoration est signée Starck, elle n’en met pas plein la vue. Pas besoin de multiplier les apparats. Le plus simple des maquillages est celui qui ne se voit pas. Installé au rez-de-chaussée, le restaurant doublement étoilé s’inscrit parfaitement dans cet esprit élégant et sans chichi. Son chef, depuis l’ouverture en 2017 ? Stéphane Carrade. Son leitmotiv ? « Une cuisine délicate, mais une cuisine du terroir. » « On utilise les plus beaux produits avec des techniques nouvelles, explique-t-il, ajoutant, non sans une pointe de roublardise : Et un brin de folie, aussi. » Une phrase qui suffit à résumer la cuisine comme la philosophie de ce bon vivant passionné et engagé pour le respect de sa terre natale. De quoi attirer les gourmands. La preuve : le Skiff Club affiche presque tous les soirs complet. Y compris en dehors de la période estivale. Et que dire du brunch du dimanche, un incontournable depuis quelques années. Pour les locaux comme pour les vacanciers. Ils sont d’ailleurs plus de 400 à s’y précipiter chaque fin de semaine entre juin et septembre. De quoi imposer Stéphane Carrade, dont la réputation n’est plus à faire, comme une figure de la gastronomie girondine. 

« En 2015, je reçois un appel de William Téchoueyres. Il m’explique qu’il est en train de rénover l’Haïtza (...) J’arrive avec mes idées, mes recettes. La famille Téchoueyres me fait totalement confiance »

Stéphane Carrade

Richesses du terroir et valeur du produit

Rien ne le prédestinait pourtant à tenir les rênes de l’un des établissements les plus huppés du bassin d’Arcachon. Et pour cause : il grandit à la ferme aux côtés de sa grand-mère d’origine espagnole. Il découvre alors très jeune les richesses du terroir et prend conscience de la valeur du produit. « À 5 ans, déjà, je voulais être cuisinier », assure-t-il. Parce qu’il n’est pas scolaire, préférant le rugby au français ou aux mathématiques, cet ancien demi de mêlée rentre au lycée hôtelier à 16 ans. « À ce moment, je gagne en confiance, je deviens plus adroit et surtout, je prends du plaisir aussi bien en salle qu’en cuisine. » Sa première expérience du métier ? Elle sera fondatrice et se passera au Pavillon Landais, un restaurant « une étoile », avec un certain Alain Ducasse. Le jeune homme découvre l’importance du goût, comprend la place qu’occupe l’émotion dans l’assiette. Il le sait, il veut, lui aussi, faire partie de ceux qui comptent dans le monde de la cuisine française. Plus question de faire la fête tous les week-ends. Stéphane Carrade obtient les diplômes nécessaires (BEP, CAP) et se met au travail. « Vraiment au travail », insiste l’intéressé. Curieux et ambitieux, il choisit de partir, dans les années 1980, à la découverte d’horizons inconnus.

D’autres inspirations

À 18 ans, il s’envole d’abord pour Londres et intègre la brigade du restaurant de l’hôtel Hilton. Le Landais, qui ne connaît que la cuisine française traditionnelle, est alors confronté à des inspirations à la fois continentales et asiatiques. « À cette époque, nous n’avions pas Internet et donc très peu accès aux autres cultures, précise-t-il. C’est à Londres que je réalise que la cuisine, ce n’est pas que les grands plats classiques. C’est aussi des créations originales. » Après le Royaume-Uni, le cuisinier part sur l’île de la Réunion, dans le cadre de son service militaire. En tant que cuisinier, bien sûr. Encore une fois, le voyage est source de nouveautés pour Stéphane Carrade qui découvre des fruits exotiques, des épices, des condiments… un épanouissement professionnel et personnel.

C’est sur l’Île de la Réunion en effet qu’il rencontre celle qui deviendra par la suite son épouse et un véritable soutien du quotidien. De retour en métropole, l’homme multiplie les expériences au sein d’établissements prestigieux : Château Saint-Martin, le Scholteshof (en Belgique)… Avant de poser ses valises à Tours en tant que sous-chef de Jean Bardet. Au contact de ce personnage doublement étoilé, Stéphane Carrade peaufine sa cuisine et se forge une identité. Son axe ? La cuisine typique du Sud-Ouest, avec un esprit « franchouillard », auquel il ajoute une touche de modernité. Stéphane Carrade prend également conscience du rôle de « patron », de « chef », de « meneur de troupe ». « En gros, j’apprends tout ce qu’il y a à côté des fourneaux », explique l’intéressé.

 L’imposante bâtisse* d’architecture néo-basque située en plein cœur de la lagune landaise conjugue à merveille raffinement et simplicité.

« On utilise les plus beaux produits
avec des techniques nouvelles...
Et un brin de folie, aussi »

Stéphane Carrade 

Deux étoiles Michelin

En 1998, parce qu’il a à la fois l’expérience et la maturité nécessaire, le chef ouvre –  avec un associé – son propre restaurant à Jurançon : Chez Ruffet. Un établissement qui occupera douze ans de sa vie. Ses produits phares ? Le canard et le cochon. Mais aussi les merveilles qu’offre la mer comme la sèche, le rouget et autres poissons. « Je suis guidé par le produit et par la saison », explique cet amoureux du terroir anobli par une puis deux étoiles Michelin dans les années 2000. « C’est une grande émotion et, il faut l’avouer, cela permet aussi de se faire connaître, affirme-t-il avant de nuancer son propos : C’est aussi beaucoup de pression. » Des années bénies pendant lesquelles il multiplie les projets, parfois jusqu’à l’épuisement. « C’est un métier de dingue qui suppose beaucoup de sacrifices », reconnaît avec authenticité et simplicité celui qui, pour diverses raisons, quittera son établissement en 2009. Il rejoint alors la région Girondine, d’abord à Gujan Mestras au restaurant La Guérinière, puis à Bordeaux, au Grand Hôtel.

L’Haïtza et le Skiff Club

« En 2015, je reçois un appel de William Téchoueyres qui m’explique qu’il est en train de rénover l’Haïtza et qu’il souhaite ouvrir un restaurant gastronomique au sein de l’établissement », se souvient le chef. Très vite, il tisse des liens forts avec le « serial entrepreneur », connu pour être à l’initiative de plusieurs établissements de luxe dans le coin. Ensemble, les deux hommes partagent un attachement quasi viscéral à leur région et une vision commune des affaires, de la famille, de la vie. Convaincu que le projet est prometteur, Stéphane Carrade rejoint l’aventure. Il a alors carte blanche pour imaginer les contours d’un restaurant gastronomique : le skiff Club. « J’arrive avec mes idées, mes recettes, la famille Téchoueyres me fait totalement confiance », explique celui qui dirige aujourd’hui une équipe de vingt-quatre personnes. Comme à son habitude, Stéphane Carrade privilégie les produits locaux, prône un terroir « progressif » et revendique le « beau », le « bon », le « plus naturel possible ». Le restaurant gagne petit à petit ses lettres de noblesse et décroche deux étoiles au guide Michelin. Et les clients ? Ils sont au rendez-vous en été comme en hiver. Et si le chef dispose de quelques plats signatures – notamment sa recette de palombe, ou encore ses tagliatelles à l’encre de seiche –, pas question de camper dans sa zone de confort : « La cuisine c’est comme la haute couture, assure-t-il, il faut en permanence se renouveler même si, bien sûr, certaines collections reviennent de façon cyclique. » 

Luxe rare, plaisir simple

Et aujourd’hui ? Stéphane Carrade aime toujours autant son métier. Tout comme il aime piloter son équipe, gérer sa brigade, former les plus jeunes. Et s’il est passionné, le chef apprend aussi à se ménager. Tout en continuant de créer, d’inventer sans jamais s’éloigner du produit et des producteurs. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il est, avec William Téchoueyres, à l’initiative de la « ferme Haïtza », un élevage de volailles et de cochons qui verra prochainement le jour dans la région. « Les clients dégusteront nos propres produits », précise-t-il, fier de ce projet qui mêle luxe et terroir. De quoi poursuivre l’aventure et continuer de faire connaître une cuisine gastronomique, haut de gamme qui met en lumière les richesses du Sud-Ouest. Continuer de vivre au rythme des saisons afin de dénicher chaque jour les meilleurs produits. Continuer aussi de profiter des couleurs qu'offrent à chaque heure du jour les rivages du bassin. Seul ou accompagné de sa femme et de ses enfants. Un luxe rare. Un plaisir simple.

« La cuisine c’est comme la haute couture. Il faut en permanence se renouveler même si, bien sûr, certaines collections reviennent de façon cyclique »

Stéphane Carrade 

PORTRAIT BORDELAIS 

  • Son restaurant préféré ? Le Tentazioni, rue du Palais Gallien à Bordeaux. 
  • Son lieu préféré dans la région ? La dune du Pilat : « Je suis toujours impressionné par ce grand tas de sable. » 
  • Son vin préféré ? Château Angelus. 
  • Son plat préféré (à manger) ? Tout ce qui est à base de céphalopodes comme le poulpe ou les encornets. 
  • Son plat préféré (à faire) ? La palombe, qu’il sert avec des cèpes et des coings confits au Porto. 
  • Et s’il n’avait pas été cuisinier ? Il exercerait un métier de bouche (boucher, œnologue…) ou alors il serait pompier, pour rendre service. « J’ai toujours été attiré par le gyrophare. »

*Maison fondée en 1930 par Louis Gaume et rachetée par la famille Téchoueyres en 2016

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